AINTAB : UNE PAGE NOIRE DE LA DIPLOMATIE FRANÇAISE

 

L’Euphratèse, avec Marache, Ourfa et Aintab, est une région géographiquement liée à la
Syrie, séparée de la Cilicie et de l’Asie Mineure par des frontières naturelles. Elle fut très tôt
peuplée d’Arméniens, avant de passer aux mains des Francs, puis des Mamlouks et des
Ottomans. À la veille de la première guerre mondiale, sa population, comme celle de la
Cilicie voisine, était très mélangée. Aintab comptait environ 80 000 habitants, dont 30 000
Arméniens regroupés dans la partie occidentale, avec 6 édifices religieux et 25 établissements
scolaires.


Conformément aux accords Sykes-Picot, ces Territoires de l’Est furent inclus dans la zone
sous administration française directe. Celle-ci se trouvait alors face à deux menaces : les
prétentions de la Grande-Bretagne, obsédée par la route des Indes, et la renaissance
nationaliste turque dirigée par Mustafa Kemal. Ce n’est qu’en 1919 que la France put prendre
le contrôle effectif de la région, suscitant chez les Arméniens un enthousiasme qui allait être
de courte durée. À Marache, Ourfa et Aintab, ceux-ci constituèrent le fer de lance de la lutte
contre les prétentions turques. Les « quatre sièges d’Aintab » durèrent plus de 300 jours et se
conclurent par la capitulation turque le 9 février 1921, mais le mois suivant 1’accord de
Londres scella l’abandon définitif de la Cilicie et de tous les Territoires de l’Est, suivi du
massacre ou de l’exode des populations arméniennes.
Ce fut là une page noire de la diplomatie française, une défaite totale, même si Paris
conservait un mandat réduit à la Syrie proprement dite.

 

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CV

Né en 1942 à Clamart (France), de parents rescapés du génocide de 1915, Claude Mutafian
fit une carrière universitaire en mathématiques. Entré à l’École normale supérieure en
1962, agrégé en 1965, il enseigna dans diverses universités en France et à l’étranger, et
publia plusieurs ouvrages d’algèbre. À la fin des années 1970, il écrivit une série d’articles
autour de l’art lyrique.
Retraité depuis 2004, il se consacre exclusivement à l’histoire. En 2002, il soutint à
l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne sa thèse de doctorat. Auteur de nombreux travaux
sur l’histoire et la culture de l’Arménie, comme l’Atlas historique de l’Arménie en 2001, il
est spécialiste de la période XIe

-XIVe siècle, en particulier de l’Arménie cilicienne. Son
premier livre d’histoire, La Cilicie au carrefour des empires, vit le jour en 1988, et
L’Arménie du Levant, publiée en 2012, lui valut en 2013 le grade de HDR à l’Université
Paul Valéry-Montpellier.
Il organisa également plusieurs expositions accompagnées d’un livre-catalogue : Le
Royaume arménien de Cilicie à la Chapelle de la Sorbonne en 1993, Roma-Armenia dans
la Grande salle Sixtine du Vatican en 1999, Arménie, la magie de l’écrit à La Vieille
Charité (Marseille) en 2007, Les douze capitales d’Arménie à la MAJC (Marseille) en
2010. Son dernier ouvrage, La saga des Arméniens de l’Ararat aux Carpates, paru en
2018, est consacré à l’histoire et à la culture des Arméniens en Europe carpatique.