Le colonel  Louis Romieu et la Légion arménienne

 

Il ne serait peut-être pas à propos de considérer la résistance des Arméniens aux troupes ottomanes venues pour les exterminer, dans des villes comme Van, Chatakh, Chabin Karahisar, Ourfa, ou dans des régions montagneuses – Sasoun, Musa Dagh – comme une participation directe des Arméniens à la Première Guerre mondiale. C’est d’abord la Cilicie (et ses prolongements) qui recueille les premiers contacts, lorsque le vice-amiral Louis Dartige du Fournet assure l’évacuation,  à la mi-septembre 1915, des Arméniens du Musa Dagh qui résistaient depuis près de deux mois, avec des armes rudimentaires, à une puissante armée turque fortement dotée en artillerie.

Transférés en Egypte, avec leurs familles, ces Arméniens vont former le noyau de la Légion arménienne, initialement Légion d’Orient (cette dernière étant créée en novembre 1916), comptant un contingent syrien, moins opérationnel. La Légion arménienne elle-même (près de 5000 hommes), placée sous les ordres du lieutenant-colonel Louis Romieu, qui s’était déjà illustré en combattant aux côté des Grecs et avait juré sur les tombes des légionnaires arméniens tombés, en 1916, à la bataille de Houarara, en Palestine, de leur rester fidèle, forme l’essentiel des troupes françaises, qui comptent aussi des tirailleurs musulmans d’Outre-Mer. Pendant le mandat français sur la Cilicie (1919-1921), l’installation d’environ 120.000 réfugiés arméniens, retournant dans une région où leurs proches ont subi le génocide et où leurs biens ont été saccagés ou confisqués, est problématique. Les provocations de l’administration ottomane, auxquelles s’ajoutent les exhortations patriotiques des délégués de l’Union nationale arménienne, attisent l’insubordination d’une partie des légionnaires. Ceci n’empêche que, localement, le commandement français était prêt à poursuivre, voire à étendre la mobilisation des Arméniens. Ceux-ci, à la fin de la période, sont, de même que le commandement français en Cilicie, abandonnés à eux-mêmes, ce qui n’empêche pas les Arméniens d’assurer une héroïque défense à Ayntab (le « clan » Bilemdjian) et à Hadjin (l’avocat Tchalian). Les progrès de Mustafa Kemal, la Révolution russe et la politique britannique au Proche-Orient amènent le gouvernement français, contre le gré du commandement local, à décider l’évacuation de la Cilicie, la politique syrienne devant être prioritaire.

 

 

CV

Gérard Dédéyan, Professeur émérite d’Histoire du Moyen Age à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure (Ulm), membre à l’étranger de l’Académie nationale des Sciences de la République d’Arménie, membre  de l’Académie des Sciences d’outre-mer, membre du Centre d’Etudes médiévales de Montpellier, a enseigné l’histoire de l’Orient chrétien (Byzance, Arménie et communautés syriaques jacobites, Etats latins du Levant). Il a longtemps collaboré au Centre d’Histoire militaire et de Défense nationale créé en 1969 par le Président André Martel à l’UPV.

Il a coordonné les accords de l’Université Paul-Valéry avec l’Université d’Etat d’Erevan, l’Université d’Etat Ilia (Tbilissi), l’Université de Kaslik au Liban, et coordonne toujours l’accord avec l’Université d’Etat Lomonossov de Moscou.

Il est l’auteur d’une centaine d’articles portant sur les Arméniens à Byzance, dans les Etats latins du Levant, et sur les royaumes arméniens (Grande Arménie et Cilicie), mais aussi sur les relations arméno-géorgiennes au Moyen Age, ou sur le rôle des Maronites à l’époque des Croisades.

Il a publié, entre autres, en 1980, La chronique attribuée au Connétable Smbat (distinction de l’Académie des inscriptions et belles-lettres) ; en 1982, l’Histoire des Arméniens (direction) (prix Biguet d’histoire de l’Académie française), dont une édition entièrement renouvelée (Histoire du peuple arménien) est parue dans le cadre de « L’Année de l’Arménie en France » (21 septembre 2006 – 14 juillet 2007); en 2001, avec Jacques le Goff, La Méditerranée au temps de Saint Louis (Actes de colloque)Aigues-Mortes ; en 2003,à Lisbonne, Les Arméniens entre Grecs, Musulmans et Croisés (prix Schlumberger 2006 de l’Académie des inscriptions et belles-lettres), avec le Professeur Carol Iancu, Du génocide des Arméniens à la Shoah. Typologie des massacres du XXe siècle (collectif, Privat, 2015). Il est codirecteur avec Mzaro Dokhtourichvili (Tbilissi, membre correspondant) et Isabelle Augé, de L’Europe et le Caucase. Les relations interrégionales et la Question de l’identité (Actes de colloque), Université Ilia, 2012, et avec la même et d’autres collègues, de L’Arménie et la Géorgie en dialogue avec l’Europe (Actes de colloque, Geuthner, 2016). Il codirige une Histoire de la Diaspora arménienne.